Ma langue au Chah by Dard Frederic

Ma langue au Chah by Dard Frederic

Auteur:Dard Frederic [Dard Frederic]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782265063242
Éditeur: Fleuve noir
Publié: 1969-12-19T23:00:00+00:00


XIX

Je vous ai rassuré à la fin du chapitre dix-huit, à mon grand regret, faut que je vous déprime en ce début de dix-neuvième. D’accord, lorsqu’une Bentley des années pré-guerrières percute une voiture de pompiers actuelle, c’est l’auto des pompelards qui s’avoue vaincue. Seulement, ce genre d’affrontements, mes gueux, ressemble aux procès civils. À l’arrivée, un des mecs est à poil et l’autre en bannière. Je m’en rends compte dare-dare que la roue avant gauche écrit des 8 en marchant, que le réservoir de flotte est éventré et que le moteur, à la suite de cette commotion, perd ses légumes pire qu’un hémorroïdien constipé. En vertu de ces différentes avaries, nous parcourons encore deux cent cinquante-trois mètres seize exactement avant que la tire se fasse porter blême.

— Vite ! Vite ! s’écrie Mostaclaouhi qui semble avoir retrouvé un semblant de goût à l’existence.

— Vite quoi, hé, tas de poils ? bougonne Béru en ouvrant la portière d’un coup de coude capable de percer la coque du France.

— Ma voiture n’est pas loin : au fond de l’impasse, là-bas à droite…

Déjà il s’élance, tenant stoïquement le cadavre raidissant de sa Mirza dans les bras. On dirait qu’il fonce chez un toubib avec un bébé blessé, le cher compagnon de geôle.

Guidé par mon instinct, je le suis. Béru continue de chiquer les voitures-balais en poussant Prof devant lui.

Toujours en file indienne (ne sommes-nous pas sur la route des Indes) on finit par débouler dans une espèce de cour miséreuse où sont remisés quelques tacots informes dont les musées de l’auto eux-mêmes n’ont pas gardé la moindre trace. Trônant parmi ces épaves, rutilante malgré un gros emplâtre rouge, la tuture au Père La Cerise ! Un joyau égaré dans une poubelle !

— Je l’avais apportée au carrossier, explique le déchienné, car je ne pouvais souffrir le cruel spectacle de cette estafilade qui la mutilait.

Il se penche sur l’emplâtre, le caresse d’un doigt d’aveugle où le sens tactile devient presque visuel.

— Beau travail ! apprécie-t-il. Après la peinture il n’y paraîtra plus…

— Hé, Pépère, tu crois que c’est le moment de faire des effets de chignole ? fulmine Béru. Allons, en route !

Délibérément il s’installe au volant.

— Ah ! non, c’est moi qui conduis ! s’égosille Mostaclaouhi.

— Occupe-toi de la dépouille à Maâme Médor et moule-nous ! tranche le Magistral. Manche comme t’es, même si tu piloterais un tracteur j’aurais les foies de me laisser bahuter par toi.

L’heure sacro-sainte de la sieste ayant vidé les lieux, nous décarrons sans avoir aperçu le tôlier.

— Couchez-vous ! recommande l’Enflure. Seul au volant je passerai plus mieux inaperçu. Et au fait, vouesconva ?

— Prends la route de Téhéran. Si nous parvenons à atteindre la capitale, on se mettra sous la protection de l’ambassade de France.

— Surtout n’allez pas trop vite, recommande le Persan ! Je ne voudrais pas qu’on abîme mon auto : c’est tout ce qui me reste en ce monde.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.